MÉTISSAGE

MÉTISSAGE
MÉTISSAGE

Le métissage est particulier à notre temps; il apparaît avec l’ère coloniale au cours de laquelle, au sein des empires, les grandes races humaines, tenues jusque-là séparées, commencèrent à se mélanger. Il pose à la société moderne des problèmes d’une exceptionnelle complexité.

Il y a deux façons d’entendre le métissage. Dans le sens technique (celui des sciences naturelles), on appelle «métissage» le mélange des races, de variétés différentes au sein d’une même espèce, et «métis» (de mestiz au XIIe s., du bas-latin mixticius , de mixtus , «mélangé») le produit d’un tel croisement; c’est donc un terme d’usage très général. Mais, dans l’acception courante, on tient plus communément pour métis l’homme dont le père et la mère ne sont pas de même race, c’est-à-dire sont de constitutions génétiques différentes (A. Montagu). Entendu en ce sens, le métissage est propre aux races humaines; aussi, dans la pratique, est-il peu commun d’utiliser ce terme pour désigner le croisement entre races animales ou végétales; les termes «croisement» et «hybridation» lui sont en général préférés. L’hybride (du latin ibrida , «de sang mêlé», altéré en hybrida par rapprochement avec le grec ubris , «excès») est alors l’individu (animal ou végétal) provenant du croisement de variétés, voire d’espèces différentes (en zootechnie, on réserve même le nom d’hybrides aux hybrides d’espèce, le mulet, par exemple, dont le produit est infécond). Il n’en reste pas moins que, sur le plan biologique, le mélange des races humaines n’est qu’un cas particulier de croisement entre variétés d’êtres vivants.

Or, même au second sens, une ambiguïté particulière caractérise le métissage. C’est qu’en réalité il ne concerne pas n’importe quel croisement humain: l’enfant d’un Italien et d’une Suédoise, par exemple, n’est pas un «métis»; il sera Italien ou Suédois, selon le milieu – celui du père ou de la mère – dans lequel s’effectuera sa socialisation. L’enfant d’un Allemand et d’une Cambodgienne, en revanche, est un «métis» (Eurasien); il sera considéré comme tel, quel que soit le milieu où se fera son intégration. Ainsi, sont tenues spécifiquement pour métissages les unions entre Blancs et Noirs, entre Blancs et Jaunes et entre Jaunes et Noirs, c’est-à-dire les mélanges des grands groupes de couleur entre lesquels se répartit l’espèce humaine. Le métissage est un mélange de «races» au sens où, selon la conception populaire, les groupes de couleur sont tenus pour tels.

Mais, du point de vue biologique, il ne s’agit pas là de races. Quelle que soit la façon dont on définit celles-ci – groupes manifestant certains traits physiques dus à une hérédité commune; ensembles d’individus issus de parents communs et qui leur ressemblent autant qu’ils se ressemblent entre eux (R. Hartweg); populations qui diffèrent d’autres populations de façon significative par la fréquence d’un ou de plusieurs gènes (W. C. Boyd); groupes d’individus ayant en commun, au sein de l’espèce, un certain nombre de mutations caractéristiques (J. Ruffié), etc. –, la couleur n’est pas, au point de vue biologique, un trait plus révélateur de la race qu’un autre. La forme du squelette, celle du crâne, le métabolisme, les propriétés hémotypologiques, par exemple, sont, à cet égard, tout aussi caractéristiques, sinon plus. Les Blancs, les Noirs, les Jaunes ne sont donc pas des «races» (au sens biologique), mais des groupes humains (au sens sociologique) que la conscience populaire se plaît à identifier par recours à un trait physique particulier qu’elle privilégie. Le métissage concerne, si l’on peut dire, des races «sociales» (R. Bastide) et non des races au sens où le mot est entendu en biologie. C’est donc un phénomène social autant – et même plus – qu’un phénomène physique: est «métis» celui qui, ayant des ancêtres de couleurs différentes, est défini comme tel par la société et se voit assigner de ce fait un statut spécifique. Or, c’est cela qui est récent.

Origines coloniales

On possède maintes raisons d’être sûr que, de tout temps, les hommes ont été conscients des différences physiques qui les séparaient (l’art pictural est révélateur à cet égard) et que cette conscience n’a jamais fait obstacle au croisement. L’histoire des races humaines est l’histoire de leurs croisements. Inversement, c’est par eux que se sont constituées les races. On a pu dire (J. Ruffié) que les races anciennes elles-mêmes, longtemps considérées comme pures, sont le plus souvent des races métamorphiques dont les composantes nous sont inconnues. Parmi les squelettes que les paléontologues ont mis au jour (certains remontent à quelque deux millions d’années), nombreux sont ceux qui apparaissent, anatomiquement, comme intermédiaires les uns par rapport aux autres, c’est-à-dire comme le résultat de mélanges. Et, en ce qui concerne les temps historiques, la répartition actuelle des variations raciales et des types intermédiaires ne peut s’expliquer raisonnablement que par un mélange général et très prolongé. Mais il ne s’ensuit pas pour autant que, dans les temps anciens, on leur ait conféré la valeur d’un phénomène naturel et universel (H. Shapiro).

Ce n’est qu’à l’époque moderne qu’une conscience particulière s’est développée à l’égard des mélanges raciaux et que la société a, dans certaines conditions, tenu plus précisément compte des «races» pour son organisation. Jusqu’à la Renaissance, les populations noires, jaunes et blanches restaient largement isolées les unes des autres; les mélanges – et il y en eut – étaient marginaux. L’Europe, l’Afrique, l’Asie n’ont connu effectivement un contact entre elles que depuis l’ère coloniale. Au cours des cinq siècles d’exploration et de conquête s’est effectué, pour la première fois, un croisement à grande échelle entre groupes de couleur. Ce n’est donc que depuis cette époque qu’on parle de métissage et que les métis sont singularisés comme tels par la société. C’est, en effet, un trait typique de la société coloniale que de s’organiser en fonction de la couleur et de reconnaître aux sang-mêlé une place particulière au sein de l’ordre social.

À l’homme moderne, les mélanges de population du passé apparaissent, en effet, comme de simples faits historiques dont les traces ont généralement disparu et qui, par conséquent, ne comptent plus du point de vue des structures sociales effectives. Il arrive qu’on sache bien que tel ou tel peuple doit son origine à des croisements entre grands groupes raciaux. Mais, ou bien la composition raciale de ces peuples a perdu toute signification culturelle et sociale, ou bien ils se sont entièrement assimilés à des groupes plus larges (H. Shapiro). Dans les cas de ce genre, une fusion s’effectuait entre les éléments en présence: après quelque temps, ceux-ci disparaissaient. L’absorption des envahisseurs ou l’assimilation des conquis finissait par prévaloir. Les distinctions de classe, de langue, de coutumes – qui sont, elles, purement sociales – se substituaient aux distinctions physiques ou l’emportaient sur elles. Aussi est-elle de notoriété commune que la reconstitution des origines raciales d’une population, qu’elle soit asiatique, africaine ou européenne, se heurte en général à d’insurmontables difficultés. Ni la Rome de l’époque des conquêtes, ni l’Europe des grandes invasions, ni la Chine des empereurs, ni les royaumes d’Afrique, si composites qu’ils aient pu être par origine et si hostiles qu’ils aient pu être à l’intermariage, ne traitaient en métis les hommes issus des croisements. Or, à l’inverse, la société coloniale, tout en mélangeant les couleurs et en atténuant du même coup les différences, en perpétue les distinctions. Le métissage est, par certains côtés, l’inverse d’une fusion.

Importance numérique des métis

Sur tous les continents où s’est exercée, depuis le XVIe siècle, la domination coloniale, planteurs européens, esclaves noirs, coolies d’Asie, populations autochtones ont vécu pêle-mêle côte à côte et se sont mélangés.

Le Nouveau Monde fut le premier théâtre largement ouvert à l’expansion de l’Europe occidentale et donc au métissage. Cependant, par la suite, le nord de l’Asie subit l’invasion russe, tandis qu’au XVIIIe siècle l’émigration européenne se portait vers l’Afrique du Sud et l’Australie, et à la fin du XIXe siècle vers l’Afrique et l’Océanie. Ces mouvements des Européens exercèrent une influence profonde sur les populations des autres continents. Dans les régions d’immigration, ils ont provoqué le déplacement – et dans certains cas l’extermination – des populations autochtones. Ils suscitèrent aussi, par contrecoup, une série de migrations secondaires de populations non européennes. L’une des plus importantes, aux conséquences les plus considérables, consista en la déportation d’Afrique vers le Nouveau Monde d’environ quinze millions de Noirs (XVIe s.: 900 000; XVIIe s.: 2 750 000; XVIIIe s.: 7 000 000; XIXe s.: 4 000 000). L’établissement dans les colonies d’une économie de mines et de plantations, pour les besoins de laquelle furent transplantés en Amérique les esclaves africains, provoqua à son tour une expatriation de Chinois vers les Indes orientales, les Philippines, l’Asie du Sud-Est, les États-Unis. L’Inde fournit, dans les mêmes conditions, de la main-d’œuvre à l’Afrique, à la Polynésie, à l’Asie du Sud-Est. D’importants mélanges en résultèrent. On estime qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique (Nord et Sud) comptait quelque trente millions de métis d’Indiens et de Blancs et quelque huit millions de métis de Blancs et de Noirs (M. Rosenblatt), soit un total de près de quarante millions. À la même époque, l’Afrique du Sud en comptait un million. Quant à l’Asie, on y dénombrait quatre millions de sang-mêlé de Chinois et d’autochtones, 200 000 de Blancs et de Jaunes, 140 000 de Blancs et d’Indiens. La Polynésie comptait 100 000 métis d’origines diverses.

En conclusion, on estime en général que 2,5 p. 100 au moins de la population du globe est aujourd’hui métissée; pour l’hémisphère occidental seul, les métis représentent un sixième de la population totale. En fait, ces chiffres sont vraisemblablement inférieurs à la réalité.

Le métis dans la société

Si les mélanges de couleurs étaient universellement acceptés, les produits de ces mélanges finiraient par être absorbés par la société. Il se formerait rapidement, dans les pays où les populations de couleurs différentes se trouvent en présence, une population homogène. Dans le passé, de nombreuses situations de ce genre ont existé. Mais tel n’est pas ce qui se passe dans la société coloniale. Celle-ci se fonde au contraire sur une ségrégation et sur une stratification fondées sur la couleur; la hiérarchie des teintes recoupe celle des classes; les sang-mêlé occupent une position à part; loin d’être progressivement absorbés, ils augmentent souvent en nombre. Au lieu d’aboutir à une fusion, le mélange des couleurs engendre, étant donné le contexte dans lequel il se produit, une conscience «raciale», donc une séparation des groupes.

L’Amérique, partie du monde où le métissage a été de loin le plus intense, peut être prise comme exemple de l’organisation sociale fondée sur la gradation des couleurs (l’Afrique apparaît, à cet égard, comme un cas plus particulier), encore que cette organisation n’obéisse pas partout aux mêmes principes.

En Amérique du Nord, comme en Amérique du Sud, la hiérarchie des couleurs correspond à celle des richesses et à celle des classes. Les classes supérieures sont blanches, les classes inférieures noires; entre les deux (classes moyennes) se situent les métis, aux positions économiques et sociales intermédiaires. Mais c’est en Amérique du Sud que l’on trouve la gradation la plus étendue. Aux États-Unis, le métissage concerne principalement les croisements Blancs-Noirs (étant donné le nombre relativement faible des Indiens) et tout individu ayant un ancêtre noir est de toute façon considéré comme «nègre»; les classes moyennes sont donc, en fait, blanches dans leur très grande majorité. Mais tel n’est pas le cas en Amérique latine: les mélanges y sont beaucoup plus considérables que dans la partie nord du continent, ne serait-ce que par la proportion plus faible des Blancs et du fait de la présence d’un grand nombre d’Indiens. La situation y est plus compliquée aussi, puisque les trois grandes «races» de couleurs y sont présentes et qu’on y rencontre par conséquent toutes les sortes de métis. La société est entièrement hiérarchisée en fonction de la couleur, les métis y formant le gros des classes intermédiaires. Et, alors qu’aux États-Unis les métis sont en fait traités comme gens de couleur, en Amérique du Sud, c’est le contraire qui se produit: tout métis ayant un ancêtre blanc est considéré comme Blanc, pour peu que sa peau soit suffisamment claire et qu’il ait une certaine position économique. Il arrive même qu’un Noir, à condition d’être riche, d’avoir une certaine éducation et de savoir «se tenir» dans un salon, soit accepté comme Blanc par les classes supérieures blanches. La société d’Amérique latine comporte donc deux classes moyennes métisses, ce qui permet, jusqu’à un certain point, l’ascension sociale des sang-mêlé; celle d’Amérique du Nord refoule au contraire les métis vers les couches inférieures et oppose des obstacles à leur élévation.

Aujourd’hui, le métissage ne concerne plus seulement les pays où il s’était initialement produit: les territoires de l’Ancien et du Nouveau Monde soumis, à partir de la Renaissance, à la pénétration coloniale; du temps de la colonisation, les Blancs s’expatriaient vers les colonies; ils y amenaient – ou y attiraient – la main-d’œuvre, noire ou jaune, qu’ils mettaient au travail sur leurs plantations: d’où les mélanges que l’on sait, et qui ne se produisaient que dans les colonies. Or, tel n’est plus exactement le cas aujourd’hui: les pays coloniaux ont acquis leur indépendance; un nouvel ordre s’y consolide dans lequel Blancs, gens de couleur et métis occupent, respectivement, des positions définies; l’immigration – donc le renouvellement du métissage – ne s’y exerce plus comme avant. En revanche, fait nouveau, des mouvements de population se produisent en sens inverse, c’est-à-dire des anciennes colonies vers les ex-métropoles. Celles-ci connaissent, à leur tour, le mélange des «races» de couleur.

Le vocabulaire

Tout un vocabulaire évoque non seulement la nature, mais les divers degrés du métissage. En français, on appelle mulâtre (de l’espagnol mulato , de mulo , «mulet»), le produit en parties égales d’un Blanc et d’une Noire, ou d’un Noir et d’une Blanche, et quarteron l’homme qui compte parmi ses ancêtres un grand-parent noir. En anglais, on emploie les termes de mulatto et quadroon , ainsi que celui d’octoroon pour désigner l’individu ayant un arrière-grand-parent noir. L’expression mulatto peut désigner, cependant, tout degré de métissage, encore que le vocable negro serve en fin de compte à indiquer toute personne sur laquelle se distingue la moindre trace d’ascendance africaine. En raison de la multiplicité plus grande des mélanges qu’on y rencontre, les pays d’Amérique latine possèdent une terminologie plus variée encore. Au Brésil, on distingue, en gros, quatre types de métis (N. Rodrigues): les mulatos (mulâtres), issus du croisement de Noirs et de Blancs, parmi lesquels une différence est faite entre mulatos de première génération, mulatos de teint clair dont les enfants retourneront à la race blanche et mulatos de teint foncé (ou cabros ) retournant au contraire à la race noire, certains d’entre eux se confondant même avec les criolos (de parents l’un et l’autre nègres); les mamelucos , ou caboclos , croisements de Blancs et d’Indiens (jaunes), qui sont à leur tour divisés en trois groupes à la façon des mulâtres (parfois, le mameluco est supposé plus blanc que le caboclo ); les curibocas , ou cafusos , croisement de Nègres et d’Indiens; les pardos (bruns), produits du mélange des trois groupes de couleur, provenant le plus souvent du croisement de mulatos et d’Indiens.

Métissage et marginalité

Les problèmes suscités par la stratification raciale sont d’une extrême complexité. Ils ne sont pas étrangers à l’avenir de la civilisation.

Dès l’instant qu’une société connaît la hiérarchie des couleurs, elle connaît aussi la ségrégation, les conflits raciaux, le racisme. On sait à quoi conduisent de telles situations. En particulier, le groupe dont la couleur est la plus dépréciée y est relégué à la condition la plus dégradante. Quant aux groupes métis, ils souffrent d’une frustration particulière due à l’ambiguïté même de leur situation dans la hiérarchie. D’où, parfois, une psychologie qui leur est propre et qui, pour autant que les métis ne sont directement identifiables à aucun des groupes de couleur dont ils sont issus, les fait apparaître – et, le cas échéant, se concevoir eux-mêmes – comme un groupe plus ou moins en marge de la société. Plusieurs situations peuvent être distinguées à cet égard (H. Shapiro): s’ils sont peu nombreux, les métis tendront à être absorbés par l’un ou l’autre des groupes en présence; s’ils sont relativement nombreux, mais dispersés, leur absorption par la société globale finira par se faire; mais, s’ils sont proportionnellement nombreux partout, ou nettement groupés en certains points du pays, les conditions seront plus favorables à leur stabilisation en groupe ayant son identité propre. La marginalité des métis n’est donc pas la même dans tous les cas. Leurs traits psychologiques non plus, par conséquent.

Une croyance répandue affirme que l’origine biologique des métis conditionne leur psychologie: ils auraient tous les travers des races dont ils sont issus et aucune de leurs qualités; le métissage serait une dégénérescence dont l’extension menacerait la société.

Bien que, dans l’état actuel des connaissances, la relation entre psychique et physiologique demeure largement inconnue, il y a tout lieu de douter de la validité de telles assertions. On est aujourd’hui loin de savoir mesurer objectivement les caractéristiques psychologiques innées (H. Shapiro). Il y a, par contre, des raisons solides de croire à la fécondité biologique des mélanges raciaux. Du moins est-ce certainement le cas pour les espèces animales et végétales, ainsi que l’ont prouvé maintes pratiques de l’élevage et de l’agriculture; on peut y observer l’«hétérosis des hybrides»: au moins dans les premières générations, les métis sont plus vigoureux que leurs parents. Il y a des chances pour qu’il en soit de même chez l’homme.

On retrouve dans une population métissée – humaine ou animale – les mêmes gènes que dans les deux populations parentes, mais avec des fréquences caractéristiques intermédiaires qui sont directement proportionnelles à l’importance de l’apport de chaque groupe parent. Le stock génétique d’un métis est donc plus riche que celui de chacun des groupes dont il est issu. Cette situation peut paraître hautement avantageuse dans les conditions du monde moderne pour autant que, doté désormais de moyens technologiques d’une exceptionnelle puissance, l’homme bouleverse constamment son environnement et doit donc à chaque instant, s’y réadapter. Dans un environnement incessamment modifié, tel gène jusque-là défavorable ou indifférent peut brusquement s’avérer favorable. La plus grande variété de gènes que provoque le métissage, autrement dit un certain polymorphisme génétique, garantit donc, chez les individus qui en bénéficient, des possibilités d’adaptation elles aussi plus variées par rapport aux sujets d’une origine moins composite. On s’est plu à dire que l’hybridation assure aux hommes une réserve inépuisable de variétés de types génétiques et produit, par conséquent et en quelque sorte, un plus grand nombre d’individus «préadaptés» à de multiples situations d’environnement, donc susceptibles d’assurer à l’humanité de meilleures chances de survie (J. Ruffié).

Ce que l’opinion considère parfois comme «défavorable» dans la psychologie du métis s’explique donc, lorsqu’il s’agit de faits certains, par d’autres causes que l’hérédité: par la condition – elle-même adverse – qui est bien souvent son lot dans la communauté, et par l’échelle des valeurs (celles de la société «raciale» dont il fait partie à un titre bien particulier) en fonction desquelles les groupes dominants jugent de sa position sociale et de ses conduites. Les «déficiences» du métis tiennent à ce que, en général, il est issu de croisements qui se produisent au niveau des classes les plus déshéritées, donc les moins bien placées à tous égards: il souffre de l’infériorité économique et sociale de ses parents, handicap auquel s’ajoutent les inconvénients du rejet par les groupes différents auxquels l’un et l’autre appartiennent et les obstacles qu’il rencontre de toute manière, quelles que soient ses qualités (H. Shapiro).

Il n’est cependant pas certain que la condition difficile qui est présentement la leur doive être à jamais défavorable aux métis. De quoi sera fait le monde de demain reste à cet égard inconnu. Mais on peut dire que, grâce à la richesse accrue de sa constitution génétique et à la diversité de ses appartenances culturelles, une humanité mélangée disposerait sans doute d’une meilleure chance de survie. Si, repliées sur elles-mêmes, les races se fragilisent et s’éteignent, devenant victimes du milieu en fonction duquel elles se sont abusivement spécialisées, les sociétés fermées, dont les frontières se maintiennent, ne tardent pas elles aussi à se fossiliser et à disparaître. Les grandes civilisations résultent toujours du croisement des hommes, donc aussi des cultures. Étendue aujourd’hui aux dimensions d’un «métissage» universel, le brassage des populations trace sa voie à la civilisation de demain.

Biologiquement mieux préparée à dominer un environnement en transformation constante, une humanité qui résulterait d’une fusion des peuples qui la composent serait peut-être, du même coup, mieux apte aussi à s’accommoder des bouleversements que, sur le plan social, l’époque lui réserve, voire à les susciter. Par leur situation à l’écart des cadres établis, les groupes issus des mélanges ont toutes les chances d’être à la pointe des grandes mutations, car – on peut y voir une constante de l’histoire – c’est toujours des groupes marginaux que dépend le renouvellement des sociétés.

métissage [ metisaʒ ] n. m.
• 1834; de métis
1Croisement, mélange de races différentes. Le métissage de la population brésilienne.
Fig. Le métissage culturel. acculturation.
2Zool., bot. hybridation.

métissage nom masculin (de métis) Union féconde entre hommes et femmes de groupes humains présentant un certain degré de différenciation génétique. Croisement de variétés végétales différentes, mais appartenant à la même espèce. Croisement entre animaux de la même espèce, mais de races différentes, destiné à créer, au bout de quelques générations, une race aux caractéristiques intermédiaires. (Le métissage est long et aléatoire. Cependant on a pu ainsi obtenir des races parfaitement fixées comme la Maine-Anjou chez les bovins, l'Île-de-France chez les ovins.) ● métissage (expressions) nom masculin (de métis) Métissage culturel, production culturelle (musique, littérature, etc.) résultant de l'influence mutuelle de civilisations en contact.

métissage
n. m. Croisement de races.
|| Par ext. Métissage culturel: mélange de cultures.

⇒MÉTISSAGE, subst. masc.
Croisement entre individus appartenant à des races différentes. L'esclavage, la guerre, l'Islam ont donné lieu à des métissages dont Nachtigal note les degrés entre Arabes et gens du Bornou (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.282).
BOT., ZOOL. Croisement d'animaux, de plantes appartenant à des races ou à des variétés différentes (généralement dans le but d'améliorer celles-ci). On peut aussi essayer par le métissage d'arriver à créer des espèces nouvelles, reprendre mes anciennes idées sur la possibilité de féconder artificiellement des animaux d'espèces différentes (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p.284).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. [1834 d'apr. BL.-W.3-5]; 1837 «croisement des races» (BAUDRIMONT, Dict. de l'industr. manufacturière comm. et agric., t. 6, p.198, s.v. haras). Dér. de métis; suff. -age.

métissage [metisaʒ] n. m.
ÉTYM. 1834; de métis.
1 Production d'individus métis dans une société. Croisement, mélange (des races). || L'importance du métissage dans la constitution de la nation brésilienne.
0 Ces petites tribus (indiennes) sont restées indemnes de mélanges avec les Blancs, mais un certain métissage s'est produit avec les Nègres Boni (en Guyane)
H.-V. Vallois, les Races humaines, p. 103.
2 (1877). Zool., bot. Hybridation (sens large).
CONTR. Pureté (de la race). — Sélection.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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